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Un islam français est possible R A P P ORT SEPTEM B R E 2 016 Résumé Le fondamentalisme religieux se diffuse avec vigueur sur notre territoire pendant que s’exacerbent les polé- miques autour de l’inscription des signes d’appartenance islamique dans l’espace public, suscitant crispations et angoisses. Ces peurs sont renforcées par une méconnaissance générale des musulmans de France, de leurs aspirations et de leurs pratiques religieuses. Aujourd’hui, le discours sur l’islam et l’image de l’islam sont très largement fabriqués par les djihadistes, les salafistes et les autres émetteurs de discours intégristes. Dans leur majorité, les musulmans de France ne participent pas de cet islam-là. Le portrait de cette majorité silencieuse que dresse l’Institut Montaigne dans ce rapport est inédit en France. La méconnaissance dont elle est l’objet s’explique en grande partie par la difficulté à connaître précisément la sociologie de la population musulmane vivant en France. C’est pour y porter remède qu’une enquête pionnière, aux méthodes rigoureuses, a été conduite avec l’Ifop auprès de plus de 1 000 personnes de confession ou de culture musulmanes. Les discours et les propositions qui émergeront dans le cadre de la campagne présidentielle de 2017 ne manqueront pas d’être alimentés par les préjugés, par la peur, voire par la haine. Il s’agit non seulement de répondre par la connaissance aux défis que les événements tragiques de 2015 et de 2016 ont fait naître, mais aussi d’éclairer les débats à venir d’éléments solides et objectifs. L’Institut Montaigne est convaincu que construire un islam français est possible. Mais son organisation, son financement, ses liens avec l’État ainsi qu’avec les pays dits « d’origine » doivent se transformer sous peine, faute de résultat, de rendre insupportables les tensions sociales que chaque attentat approfondit. Pour cela, cinq mutations majeures doivent être engagées. 1. « Sortir l’islam de France de la minorité » en comprenant, enfin, que les musulmans ne sont ni des mineurs qu’il faut mettre sous tutelle ni des irresponsables toujours divisés qu’il faudrait considérer avec commisération sans jamais les croire capables d’agir efficacement. L’atteinte de cet objectif est conditionnée par deux impératifs. • Mettre fin à la tutelle – longtemps acceptée voire encouragée par la France – d’États étrangers, qui ne tolèreraient en aucune manière sur leur sol ce qu’ils pratiquent en France. Mettre un terme à cette situation nécessite que les flux financiers venus de ces pays ne soient plus dirigés vers « leur » communauté, mais, de façon claire et transparente, vers une organisation reconnue dont les moyens seront utilisés dans l’intérêt de l’ensemble des musulmans de France, quelle que soit leur origine. • Faire émerger de nouveaux cadres, religieux et laïcs, nés en France, soucieux de prendre en main une communauté embryonnaire et de répondre aux très nombreux défis auxquels sont confrontés les musulmans de France. 2. Assurer à l’islam de France des ressources financières transparentes, destinées à un usage collectif, afin de structurer une véritable organisation de l’islam, de salarier les imams et de répondre à « la nouvelle fierté islamique » de nombreux musulmans de France, qui font de l’islam un objet moins religieux qu’identitaire. 3. Contribuer, autant que le permet la loi de 1905, à la lutte contre le discours fondamentaliste, notamment via le financement de la formation culturelle et du travail des aumôniers dans tous les lieux fermés (écoles, prisons, armées, établissements hospitaliers, etc.) et via l’enseignement de l’arabe à l’école publique. 4. Une réflexion doit enfin être engagée sur l’absence de l’islam du concordat qui régit, encore aujourd’hui, la relation entre les cultes et l’État en Alsace-Moselle. Il en va de l’égalité entre les citoyens et de la capacité de l’État de créer une faculté de théologie capable de travailler rapidement sur des interprétations religieuses compatibles avec la société française d’aujourd’hui. 5. Lever les ambiguïtés qui pèsent sur certaines pratiques locales (baux emphytéotiques, carrés confessionnels, garanties d’emprunt) afin de garantir aux musulmans que ces pratiques juridiques sont conformes à la Constitution. INSTITUT MONTAIGNE Institut Montaigne : 59, rue La Boétie – 75008 Paris Tél. +33 (0)1 53 89 05 60 – Fax +33 (0)1 53 89 05 61 – http://www.institutmontaigne.org – http://www.desideespourdemain.fr •
Faire émerger un islam français : les propositions de l’Institut Montaigne
• Étendre le concordat à l’islam en Alsace-Moselle afin d’assurer la formation des cadres religieux musulmans en France. L’islam n’est pas intégré au régime concordataire alsacien et mosellan. Par conséquent, le financement du culte musulman – et plus largement celui des nouveaux cultes – n’est pas aligné sur le régime dont bénéficient les quatre cultes reconnus (catholique, luthérien, calviniste, juif). • Permettre le financement du culte (construction des lieux de culte, salariat des imams, formation théologique) par l’Association musulmane pour un islam français, qui centralisera le produit d’une redevance sur la consommation halal. Pour que l’islam français puisse se doter d’une ligne théologique compatible avec la société française et afin qu’il puisse rompre avec les discours diffusés par les États émetteurs d’idéologie rigoriste, il faut créer des instances – gérées par une nouvelle génération de musulmans – capables de produire et de diffuser des idées et des valeurs françaises. • Élire un grand imam de France afin de conduire le travail intellectuel et théologique destiné à poser les jalons d’un islam français. • L’administration recrute des aumôniers, assurant une « fonction » qui, par essence, relève du religieux et du spirituel. Aussi, nous recommandons de créer un Institut français des aumôniers pour former culturellement et recruter des aumôniers. • Équiper juridiquement les collectivités locales pour favoriser l’émergence d’un islam local intégré (baux emphytéotiques, carrés confessionnels, garanties d’emprunt, etc.). Bien qu’interdits par la loi, les carrés musulmans sont encouragés par les autorités publiques, ce qui crée une situation d’insécurité juridique. • Enseigner l’arabe classique à l’école publique pour réduire l’attractivité des cours d’arabe dans les écoles coraniques et dans les mosquées. • Développer la connaissance sur l’islam : – connaître et prendre la mesure de la situation par des statistiques religieuses. La réticence française à l’égard des recensements religieux et des estimations d’appartenance religieuse ne permet pas de suivre finement l’évolution des composantes religieuses au sein de la population ; – rédiger un ouvrage scolaire d’histoire commun avec l’Italie, l’Espagne, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, afin de mettre en perspective historique les apports mutuels et les convergences religieuses et culturelles entre les deux rives de la Méditerranée. • Créer un Secrétariat aux Affaires religieuses et à la Laïcité, placé sous la tutelle du Premier Ministre, et lui rattacher le Bureau central des cultes. Il aurait pour principales missions : – d’adresser un signal politique fort, en sortant les relations avec les cultes du prisme sécuritaire – que peut induire le rattachement actuel du bureau des cultes au ministère de l’Intérieur –, et en favorisant une logique interministérielle dans les relations avec les différents cultes ; – de répondre à l’administration éclatée de l’imamat, de gérer l’attribution de visas aux imams étrangers, de gérer la formation des aumôniers et l’Institut français des aumôniers, de contrôler les associations cultuelles ; – d’assurer la liaison entre les pouvoirs publics, la Caisse d’assurance vieillesse invalidité maladies cultes (CAVIMAC) et les cultes ; – de garantir l’application de la loi de 1905, la neutralité des services publics, en ne reconnaissant aucun culte et en traitant toutes les confessions religieuses de façon égale ; – d’assurer la police administrative des cultes ; – d’entretenir des relations régulières et constructives avec les autorités religieuses et les associations cultuelles dans chaque département – notamment par la nomination d’un délégué aux affaires religieuses et à la laïcité dans chaque préfecture de département ou de région.